Station Concorde

 

Longtemps très longtemps
Ils se sont embrassés  
Dans la lumière morcelée  
Des céramiques du métro

Et puis l'heure  
Les contraintes et les obligations  
Les voilà chacun sur son quai  
Face-à-face  
Parlant des yeux  
Et murmurant des mains
Sur les lèvres des traces de baisers

Il dépose un baiser au creux de sa main  
Et souffle lentement  
Le baiser s'envole au-dessus du quai  
Tout le monde se tait  
C'est beau un baiser qui vole  
D'un cœur rose vers des lèvres sincères  
Et plane au-dessus des rails

Mais le métro arrive  
Poussant l'air devant lui
Et le baiser déséquilibré  
N'a plus son vol contrôlé  
Il va s'échouer sur la joue
D'une dame de bonne éducation  
Choquée elle essuie sa joue  
Non mais  
De mon temps  
En voilà des façons  
Tous des sauvageons

Elle fait tomber le baiser  
Les portes s'ouvrent  
Les voyageurs descendent  
Se bousculent s'entassent  
Remontent s'excusent  
L'amoureux retrouve son baiser  
Chiffonné souillé moribond  
Une fille lui sourit tristement  
Un homme lui tape gentiment dans le dos  
Dans l'autre sens le métro  
Est déjà reparti

Pierre-Olivier Fineltin
Les weberies d'un surfeur solitaire

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