Masques et contre-masques
La commedia dell'arte
Art théâtral italien né sur les places des villages et inspiration de la Renaissance, la commedia dell'arte regroupe les archétypes principaux des caractères humains occidentaux. Théâtre non psychologique, il se base sur l'énergie et une situation basique. Dans ses canevas simplistes, l'homme se révèle tel qu'il est, avec ses atouts et ses faiblesses.
La commedia dell'arte se joue toujours sous le masque. En fait, il s'agit d'un demi-masque qui commence en haut du front et s'arrête sous les pommettes. Le comédien doit faire vivre son masque : là est toute la difficulté de l'exercice... Tous les masques sont nés dans le nord de l'Italie, à l'exception de Pulchinella, le plus ancien, qui est originaire du sud.
Le masque a toujours deux faces, comme les êtres humains que nous croisons tous les jours. L'une est visible, c'est le masque et l'autre non, c'est le contre-masque. L'acteur incarne parfois le masque ou le contre-masque. On dit qu'un acteur ne peut aborder avec succès la commedia dell'arte qu'après 40 ans. C'est dire qu'il faut connaître la vie pour réussir à faire vivre un masque.
Nous avons tous un masque principal, parfois deux. Notre masque vit en nous teinté de nos caractéristiques individuelles. Ainsi chacun a sa manière d'être Arlequin, Tartaglia, Pantalone etc...
Voici les personnages, leurs masques et contre-masques. Pour découvrir tout cela, il a fallu, à coups de rosé, tirer les vers du nez de l'ami Yann Eirin (un putain de Pulchinella) ! Et encore, il n'est pas certain de s'être souvenu de tout (le rosé, ça attaque !)
Personnage | Masque | Contre-masque | Sa phrase | Exemples |
Pulchinella | En avoir BEAUCOUP et de tout. Très ambigu on ne sait jamais trop si il tend la main pour aider ou pour battre. | Sadisme | J'en veux beaucoup, j'en ai pas eu, vous allez me le payer. | .Bourvil contre masque dans "Le Miroir à
2 faces"
Jean Marais jouant le bossu dans "Le Bossu".. |
Arlequino | Rébellion à l'autorité | Désespoir sans fin | Je ne veux rien qui vienne de vous, mais qu'est-ce que j'ai... |
Coluche (en contre-masque dans Tchao Pantin) |
Tartaglia | Harmonie (surtout la sienne...), le rêveur, l'intellectuel, maladroit, timide mais trop volubile, taquin naïf | Fascisme | Vous ne voulez pas mon harmonie, vous aurez mon ordre. | Pierre Richard dans "Les malheurs
d'Alfred"
Gainsbourg : "Vous ne voulez pas de Gainsbourg, je vous impose Gainsbarre" Dr Jekyll et Mr Hyde |
Pantalone | Accumulation de richesses | Dépenser sans compter | J'amasse durant des années et je claque tout pour une lubie, de préférence pour une petite jeunette. | Poissonard, l'épicier d'Au bon beurre. Tous les avares du théâtre classique Louis de Funès (évidemment) |
El Capitan | Assurer en tout, tout le temps | N'assure plus mais plus du tout. | Y'a un boulot qui doit être fait. | Alain Delon en contre-masque dans "Notre histoire" Bruce Willis, |
Briguella | Il intrigue pour devenir calife à la place du calife (c'est un valet qui invente des stratagèmes pour se tourner les pouces et régenter la maison) | Devient Dieu dès qu'il a le pouvoir. Intouchable, il méprise le monde qu'il connaît trop bien. | Je vous ai promis, vous m'avez cru et élu... Imbéciles ! | François Mitterrand (toute sa trajectoire...) Iznogoude (sans la réussite !)
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Il Dottore | Tout part de la tête, discours maîtrisé, corps bridé. L'affabulateur rigide | Se débride, c'est la libération des sens et notamment du sexe, sans aucune retenue ou morale. | Valéry Giscard d'Estaing.
Tartuffe (cachez ce sein...) |
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Pedrolino | Il ne peut supporter d'agir dans un but mercantile. Tout baigne dans un climat d'idéal. Ces personnages (personnes) ont la caractéristique d'avoir les yeux naturellement grand ouverts. | Fanatisme. L'illumination l'aveugle | Tous les hommes sont frères et ceux qui ne sont pas d'accord, on leur coupe la tête. | Saint-Just (en contre-masque)
Charles Trenet |
Zani | Ne veut pas se transformer pour les autres. Sympa, un peu bêta parfois, prêt à rendre service. | Violence physique sans fin | J. P. Belmondo (dans presque tous ses rôles) |
Bien sûr, la finesse de l'acteur, du scénariste ou du dramaturge est de subtilement mélanger ces ingrédients. Mais une conversion de personnage, selon ces indications ne tombe (presque) jamais mal. Un personnage est toujours mû par un moteur. S'il n'obtient pas ce qu'il recherche, il verse dans le contre-masque.
La commedia dell'arte est une comédie de personnages : elle nous montre ce
que nous sommes.
Amusez-vous à retrouver ces archétypes dans les personnes/personnages que vous
rencontrez.
Pierre-Olivier Fineltin
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