Pendant qu'Adrien surveille la
porte aveugle de la cousine de l'inconnue, l'ennui
s'arrête en face de lui. Ils se regardent. L'ennui a un visage long comme un jour sans pain et une physionomie pas très réjouissante. Si vous ne l'avez jamais rencontré, apprenez qu'il n'est pas bien beau. Qu'attendre de plus de sa part ? Il n'est que le reflet de ce qui a le moins d'intérêt en nous. L'ennui ne venait pas voir Adrien pour la première fois, il avait l'air décontracté de celui qui sait ce qu'il fait. En fait, il vient assez souvent visiter le jeune homme. Mais pour la première fois, Adrien le voit. Que faire ? A coup sûr, sa conversation est ennuyeuse. L'ennui, sans baisser les yeux, continue de fixer Adrien. Son regard demeure vide, inexpressif. Il a des cheveux gris, des yeux gris, un teint gris, aigri, amaigri. Habillé de grisaille, il semble nuageux, sale comme un ciel d'hiver. Silencieux, il garde ses yeux dans les yeux. Un silence s'installe. Non pas le silence paisible de ceux qui ont choisi de se taire, mais bien plutôt le silence tendu de ceux qui n'ont rien à en dire et rien à en faire. L'ennui ne bouge pas. Ah, celui-là, lorsqu'il y est, il y reste. Difficile de le faire déguerpir. Plus Adrien le regarde et plus il s'ennuie. Enfin, le jeune homme rassemble ses forces, secoue la tête et pointe le menton. - Tu es encore là ? Je ne veux pas
de toi. L'ennui avec l'ennui est qu'il disparaît dès que la conversation devient intéressante ! Il revient un peu plus tard. Cependant, si Adrien sent sa présence, il ne le voit plus. Peut-être est-ce un autre ennui, moins ennuyé ? |
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